Myriam Van Calster

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Ajouté le 25 juin 2014

Les mirages de l'art contemporain (Christine Sourgins)


Nous vivons, (mais le grand public l‘ignore) avec deux définitions de l’Art, irréductibles l‘une à l‘autre. La première nous est traditionnelle, spontanée, la beauté y est centrale. L’autre a été inventée par Marcel Duchamp vers 1913 avec les ready-made comme la roue de bicyclette ou le célèbre urinoir : un objet détourné de sa fonction utilitaire devient œuvre d’art par la volonté de l’artiste. A partir de là on ne crée plus, on décrète. Fini le travail des formes, celui de la « main pensante » : l’artiste est d’abord un intellectuel « qui crée une pensée nouvelle » pour cet objet qu’il s’approprie. Ce qui compte, ce n’est plus l’objet exposé mais le projet qui est derrière. A l’origine, cela a l’air d’un gag et beaucoup ont bien ri, Duchamp le premier. Mais au fil du temps, il s’est avéré que cette seconde définition de l’art est prédatrice de la première. Qu’en manipulant des projets plutôt que des objets, c’est le spectateur qu’on manipule. Le terme contemporain est maintenant piégé : il n’est pas l’art de nos contemporains mais seulement d’une partie de l’art d’aujourd’hui qui se prétend la totalité de l’art vivant. Ce label désigne en fait l’esthétique dominante, notre ministère de la Culture l’a promu art officiel. Certains auteurs, pour lever toute ambiguïté, employent l’acronyme AC. Autrement dit, en France, la seconde définition de l’art (AC) est en train d’éliminer les tenants de la première.
C’est d’abord le désarroi du monde de « l’Art caché » (celui de la définition première de l‘art), qui m’a motivée. Occupés à peindre, à sculpter, ces artistes, n’ont ni le temps ni les moyens de démonter les arguties retorses qui les délégitiment : oeuvrer sur toile, sculpter, serait devenu ringard. Tous ceux qui ne pratiquent pas les « installations » (ouvrir une baraque à moules dans un musée par exemple), ou l’esthétique relationnelle (serrer la main des passants dans la rue), ou des performances comme “ aidez-moi à devenir citoyen américain ” ou des vidéos (avec les films d’Hitchcock au ralenti)…tous ceux là seraient des attardés, voire des réacs.

Aussi préoccupant est le désarroi du public qui voudrait comprendre ce que signifie un requin dans le formol, n’y arrive pas et culpabilise. Certains s’en remettent aux experts officiels, deviennent moutonniers, débitent les clichés que véhiculent la presse. D’où un état de servitude volontaire, le prix à payer pour paraître moderne ou plutôt « post moderne ». C’est, surtout, l’avenir qu’on prépare aux jeunes générations qui m‘a inquiété : l’AC (conceptualo-duchampien) est un fantastique moyen pour formater les tendres cervelles. Certains professeurs ont été sanctionnés pour avoir enseigné le dessin au lieu d’initier leurs élèves à cet Art contemporain que j’ai défini comme « une transgression de l’art devenu un art de la transgression » .


- Quelle définition de l'art peut-on donner pour le différencier de l‘AC ?

- L’art est l’incarnation d’une inspiration dans la matière, grâce à un travail des formes. Dans cette inspiration, il peut y avoir des idées, des émotions, des rêves…peu importe. Mais il faut re-présenter, c’est-à-dire rendre présent, manifester une présence. L’art est médiation entre le réel et un plan plus élevé, plus spirituel qui devient ainsi sensible, visible grâce au travail artistique. L’Art dit contemporain, détourne, s’approprie, refuse la médiation : c’est une prédation du réel. Il nie toute transcendance, c’est un art de l’Absence. Bien sûr il existe des zones frontières où les deux définitions se chevauchent, en particulier parce que la confusion (subie ou entretenue volontairement) règne chez beaucoup d’acteurs de l’art.

http://sourgins.over-blog.com/pages/_Les_mirages_de_lArt_contemporain_

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